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Le développement durable – analyse critique

Cette fiche sur le développement durable est une réactualisation de l’article publié en 2008 : elle intègre notamment les récentes réflexions de l’IEP à ce sujet dans le cadre du projet de recherche-action TOPOZYM.

Table des matières

Contexte
L’émergence du concept
Son enracinement culturel
Un modèle de développement ?
Les limites de la notion de développement durable
Des modèles alternatifs
Conclusion
Bibliographie

Contexte

Aujourd’hui, la référence au « développement durable » est utilisée sans vergogne partout : avec toutes les apparences d’une nouvelle vertu, il est devenu une priorité dans les discours des politiques, au point que la France a choisi d’imposer l’éducation au développement durable aux enseignants, dans le discours des ONG, des entreprises, et dans la publicité.

Pourtant, l’appellation peut s’avérer inconfortable car elle est contestée à plus d’un titre, et en particulier lorsqu’elle devient une finalité éducative : l’éducation au développement durable (EDD), voire l’éducation par et pour le développement durable, ou – pire encore à nos yeux – l’éducation à l’environnement pour un développement durable (EEDD).

Le but de cette fiche est d’attirer l’attention des animateurs socioculturels sur l’importance de garder une distance critique vis-à-vis de tout slogan aux allures dogmatiques, comme l’est devenu le développement durable.

Nous présenterons d’abord une manière de voir l’émergence de cette notion.

Ensuite, les limites du modèle classique généralement admis seront mises en évidence.

Enfin, des modèles alternatifs seront présentés.

L’émergence du concept

C’est sans doute ce qui rend le phénomène intéressant. Nous assistons à l’émergence d’un concept, c’est-à-dire à son appropriation, à partir d’une vague idée, par toute une série d’individus et de groupes humains qui vont en proposer des interprétations de plus en plus précises et concrètes dans tous les secteurs (agriculture durable, tourisme durable, logement durable, etc.).

L’expression de sustainable development est apparue pour la première fois dans un cadre diplomatique international en 1980, lors d’une conférence intitulée « Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources au service de développement durable ». En 1987, elle acquit une notoriété plus large en étant intégrée dans le « rapport Brundtland » de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Unesco, présidée à l’époque par l’ancienne Première ministre norvégienne Gro Brundtland.

Ce rapport en donnait une définition qui fait aujourd’hui autorité en affirmant le principe de « satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire leurs propres besoins » (Collectif, 1988).

Confirmé lors du Sommet de la Terre à Rio (1992) et rendu opérationnel par l’établissement d’un calendrier, l’Agenda 21, que la Belgique a ratifié, le concept de développement durable est un appel global à une éthique de la responsabilité. Le chapitre 36 de l’Agenda 21 souligne par ailleurs le rôle essentiel de l’éducation au développement durable. Les ONG préoccupées des relations Nord-Sud insistent quant à elles pour qu’on parle de développement durable et équitable.

Son enracinement culturel

Malgré les puissants courants de résistance à un changement de développement économique, nous assistons à une adhésion, intellectuelle en tout cas, d’un nombre important d’acteurs décideurs partout dans le monde, tout comme d’une masse d’acteurs de terrain plus anonymes dont les sommets altermondialistes ne donnent à voir que la pointe de l’iceberg. C’est pourquoi nous pouvons sans doute lire le développement durable comme une pièce d’un puzzle culturel en gestation, entamé depuis plusieurs décennies dans différents pays du monde.

M. Ericx (2003) esquisse un arbre généalogique du développement durable dont les rameaux sont constitués à la fois de brèches dans le modèle de la « modernité », qui ont sensibilisé l’opinion, et d’avancées concrètes de visionnaires humanistes. En voici un aperçu.

Les brèches sont d’une part les grandes crises politiques, économiques et sociales de ce dernier siècle, dont voici un échantillon : krach boursier en 1930 ; guerres mondiales ; bombe atomique au Japon ; guerre du Vietnam ; grandes famines (Biafra, Éthiopie, Bengladesh au début des années 1970) ; crise du pétrole (1973) ; crise de la dette internationale (1982) ; migrations massives de populations suite aux guerres (boat people asiatiques) ou à la famine ; extermination, extinction ou déstructuration sociale de peuples autochtones.

S’y ajoutent les grandes crises écologiques : essais nucléaires atmosphériques entre 1950 et 1960 ; désertification au Sahel et sécheresse en Éthiopie ; marées noires successives depuis le naufrage du Torrey Canyon en 1967 ; catastrophes chimiques (Seveso en Italie -1976 et Bhopal en Inde -1986) ; catastrophes nucléaires (Three Mile Island -USA-1979 et Tchernobyl -Ukraine-1986) ; maladie de la vache folle (ESB-UK-1986) et de Creutzfel-Jacob (UK-1995) ; extinction de grands mammifères et de milliers d’espèces animales moins visibles ; trou dans la couche d’ozone (1985).

Les avancées humanistes liées au développement durable sont marquées par la création de l’ONU (1945) et de ses agences spécialisées (Unesco, Unicef, etc.) ainsi que celle des grandes associations humanitaires comme Oxfam (1942), ATD-Quart Monde (1957), Amnesty international et le World Wildlife Fund (1961), Terre des Hommes (1965), Friends of the Earth (1969, Greenpeace et Médecins sans frontières (1971). Elles accompagnent l’émergence de l’aide aux « pays en voie de développement » et la multiplication d’ONG vouées à cet objectif.

Dans le domaine pédagogique, ces projets sont soutenus par des programmes d’éducation au développement (ED) dès le début des années soixante, avec la Première décennie du développement proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies : le sous-développement n’est plus considéré comme un simple retard mais on estime qu’il est maintenu par les inégalités des échanges internationaux. L’ED consiste, notamment, à montrer l’injustice de l’ordre international et la responsabilité du Nord dans la perpétuation de ce système.

En 1972, le Club de Rome publie Halte à la croissance et la Conférence sur l’environnement de Stockholm met en lumière les dangers des modèles de développement fondés sur la seule approche économique de la croissance. En 1977, une Conférence de l’UNESCO sur l’éducation à l’environnement se déroule à Tbilissi.

Sur le plan politique, les mouvements pacifistes et antinucléaires, l’émancipation des colonies (avec notamment l’indépendance de l’Inde en 1948, obtenue par des voies pacifiques, et celle des pays africains dans les années 1960), la chute des dictatures de toute une série de pays européens puis celle, progressive, du bloc de l’Est entre 1980 et 1989, marque le pas de concepts clés comme la démocratie et l’autodétermination des peuples à décider de leur avenir, complémentairement à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Sur le plan social, des bouleversements majeurs sont à souligner qui aboutissent, fin du XX e siècle, à des synergies au niveau international, favorisées notamment par les progrès dans le domaine des transports et des télécommunications. Citons l’émancipation et l’ascension sociale des femmes, auxquelles a contribué notamment l’invention de la pilule contraceptive, celle des noirs aux États-Unis, la lutte contre le racisme, l’instauration de l’école obligatoire dans de nombreux pays, etc. Le domaine de l’environnement est d’abord marqué par la multiplication des « réserves », parcs et autres programmes de protection et de conservation de la nature, puis par l’apparition de l’écologie et de sa militance propre.

Ce tour d’horizon non exhaustif est culturellement marqué par de grandes figures emblématiques qui ont fait avancer durant ce dernier siècle, parfois au prix de leur vie, les idées et les actions pour un monde plus juste, de paix et de respect, et qui guident peu ou prou spirituellement les militants d’aujourd’hui qui luttent pour un monde « équitable, viable et vivable ». Écrivains, scientifiques, philosophes, responsables ou opposants politiques, personnages charismatiques, mais aussi chanteurs et cinéastes, parmi lesquels la majorité des jeunes trouveront des « guides spirituels ».

Il reste encore à souligner l’importance de trois facteurs techniques dans la diffusion de cette « culture globale » : d’une part l’invention et la mondialisation de la télévision, qui fait que nous n’avons plus pu ignorer ce qui se passe dans le monde et vivre dans l’illusion, d’autre part l’expansion des transports aériens qui ont permis à la fois les voyages mais aussi les rencontres internationales.

Enfin, l’invention d’Internet et des téléphones portables, qui nous met rapidement en contact les uns avec les autres, facilite l’échange d’information et propose de nouveaux outils pour le travail collaboratif.

Mais de quel développement s’agit-il ?

Un modèle de développement ?

Mais qu’est-ce que le développement durable, au fond ?

Les énonciations entendues en formation, lorsque les personnes tentent de définir le développement durable, font le plus souvent référence à celle qui a été exprimée en une phrase dans le rapport Brundtland (ONU, 1987) :

« Sustainable development is the kind of development that meets the needs of the present without compromising the ability of future generations to meet their own needs. »

Traduction : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins ».

L’expression sustainable development, maladroitement traduite par développement durable, signifie que le développement doit être supportable par l’environnement. Cette vision généreuse, coquille vide à habiller, a depuis lors suscité d’abondantes interprétations et polémiques.

Nous allons surtout nous attarder aux représentations schématiques de la notion de développement durable, parce qu’elles servent très souvent de support pour faire comprendre de quoi il s’agit, preuve en est qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours.

  • Le schéma le plus répandu se présente sous la forme d’un diagramme de Venn. Il suffit pour s’en convaincre de chercher des images dans un moteur de recherche.

Examinons l’un de ceux-ci.

Ce schéma signifie probablement que le développement durable doit s’appliquer à trois « choses », présentées comme des entités qu’il s’agit de développer : la société, l’économie et l’environnement.

Il nous semble que cette manière de formuler les choses manque singulièrement de rigueur. En effet, le terme « économie » n’est pas sur le même plan que « société », qui n’est pas non plus sur le même plan que le terme « environnement ». L’environnement est ici pris dans le sens du contexte dans lequel vit la collectivité humaine (la « société »), alors que l’économie n’est qu’un des secteurs des activités humaines, qui vise la production et la consommation de richesses. En outre, que signifieraient les espaces de non-rencontre du diagramme ? Y aurait-il une part de l’économie qui échapperait aux sociétés ? Une part de la société qui vivrait en dehors d’un environnement quelconque ? Une partie de l’environnement qui ne serait pas impacté par la vie humaine ?

  • Un autre modèle, tout aussi classique et courant, semble plus cohérent : il utilise des adjectifs pour qualifier les aspects du développement à envisager (dimensions sociale, environnementale et économique de la gouvernance, dans le schéma ci-dessous).

Ce modèle change la perspective, puisqu’il ne précise plus ce qu’il s’agit de développer. Et il est cohérent, puisqu’on peut très bien ne viser qu’un seul objectif à la fois, ou deux, ou trois, conjointement ou de manière intégrée.

Il peut dès lors s’appliquer à peu près à tout, et c’est sans doute ce qui le rend commode et facile à diffuser : le développement durable d’une entreprise, d’un projet, d’un territoire, d’une ville, d’un quartier, … d’une politique d’un pays :

Constitution (révision le 25 avril 2007) : « Art. 7bis.- Dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’État fédéral, les communautés et les régions poursuivent les objectifs d’un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. »

Les interfaces entre ce qui est devenu trois « piliers » mettent en évidence autant de zones sensibles, susceptibles de frictions, mais aussi autant de zones de rencontres souhaitables entre acteurs poursuivant des objectifs jugés a priori difficilement compatibles, pour le moins contradictoires, voire opposés.

Mais si ce modèle envisage trois aspects, alors pourquoi s’en tenir à ceux-là ? Les aspects culturel, institutionnel, patrimonial, spatial, spirituel, esthétique,… ont aussi leur place et leur importance, dans une vision globale de cette « nouvelle » gouvernance.

On le voit, alors que le DD apparaît comme un autre nom de la gouvernance » (E. Zaccaï, notes de cours, diaporama), nous pouvons nous interroger sur le bien-fondé de cet amalgame.

Alors, cette notion de DD est-elle vraiment utile et utilisable ? La réponse est loin d’être évidente : « Dans le monde de l’entreprise, comme dans la mise en oeuvre des agendas locaux 21, « la démarche clé est la création d’un projet commun, avec des objectifs et des responsabilités de mise en œuvre partagés. Ni l’environnement, ni le développement durable au sens « Rio » ne sont centraux » (E. Zaccaï, notes de cours, diaporama).

Les limites de la notion de développement durable

La prééminence du développement et de son caractère durable comme « finalité de l’humanité » est aujourd’hui l’objet de vives controverses.

Le rejet de la croissance

C’est tout d’abord la perspective même de développement qui est mise en cause, car si le terme « développement », appliqué à un être humain, peut signifier « épanouissement » (Testart, 2003), il est le plus souvent synonyme de croissance, en particulier de croissance économique, voire de croissance financière.

Or, la croissance en tant que telle ne suscite plus l’adhésion depuis longtemps : en 1970, « Halte à la croissance ? » était le titre du rapport commandé par le Club de Rome, qui se terminait par la proposition d’une croissance zéro.

Bien plus, certains en appellent à la décroissance. Leur argument est le suivant : le développement actuel des pays riches constitue l’idéal à atteindre pour l’immense majorité des pays pauvres, or il est incontestablement non durable. Les simulations proposées par les outils nous permettant de calculer notre empreinte écologique en attestent : si l’ensemble de l’humanité devait accéder à notre niveau de vie, il faudrait trois à cinq planètes pour répondre à ses « besoins ».

Le modèle de la croissance indéfinie, basé sur une consommation effrénée, n’est plus crédible, l’épuisement des ressources non renouvelables pose des problèmes cruciaux et le mythe du progrès selon lequel les artefacts humains pourront se substituer à tous les mécanismes naturels est à revoir.

Le rejet d’une sphère économique autonome et dominante

La vision en trois piliers est aussi critiquée en ce qu’elle contribue à modeler un imaginaire social à propos de l’économie et de ses acteurs, présentés comme une bulle en soi, avec ses propres lois, dont le développement serait à mettre en balance avec le développement sociétal, plutôt que d’être un outil au service de ce dernier.

Lucie Sauvé juge ce rapport de force inégal : « La relation à l’environnement est subordonnée au développement économique : il n’y est question que de ne pas dépasser la capacité de support des milieux pour répondre aux besoins (non discutés) des sociétés de type occidental actuelles et futures » (Sauvé, 1998).

Sylvie Brunel estime, quant à elle, que faute d’instance d’arbitrage entre les acteurs qui sont, par vocation, profession ou mandat, tournés plus vers un domaine que vers l’autre, ces différents objectifs apparaissent comme difficilement compatibles. Les entreprises privées ont bien compris tout le profit qu’elles pouvaient en tirer, pesant de tout leur poids au Sommet de Johannesburg en 2002. Et depuis le 11/09/2001, la lutte contre la pauvreté a désormais cédé le pas à la lutte contre le terrorisme (Brunel, 2004), l’Occident « privilégiant les alliés sûrs et utiles (même dictatoriaux) plutôt que les pays pauvres » (Brunel, 2004, op. cit., p. 59).

Le rejet d’un modèle hégémonique (Sauvé, Latouche, Stengers, Rist, Sachs, …)

La contestation à l’égard du DD est également fondée sur le fait que l’ONU le présente comme un projet de société, voire un projet de civilisation qu’il faudrait appliquer à toute la planète.

La lecture que Sylvie Brunel nous propose est la suivante : à la fin des années 80, le développement durable serait venu à point nommé pour remplacer les notions de développement, de sous-développement et de « en voie de développement » (Brunel), devenues obsolètes avec la chute du communisme soviétique, et qui faisaient l’apologie de la croissance, de la science et de la technique comme salvatrices du monde.

Dès lors, pour toute une série d’observateurs critiques, le développement durable s’apparenterait plutôt à un programme politico-économique promu par certains types d’acteurs sociaux qui siègent à l’ONU (dont des dirigeants de pays non démocratiques), avec le credo suivant : le développement économique va résoudre les problèmes sociaux et environnementaux, à condition qu’un nouvel ordre mondial impose des règles, fondé sur le libre marché.

Dans ce programme, l’environnement correspond à l’ensemble de la planète comme un réservoir de ressources qui doit être globalement administré par des organisations régionales ou mondiales (d’après le Calgary Latin American Group, 1994).

Le caractère hégémonique du développement durable se perçoit aussi à la façon dont il est désormais posé comme une référence « sacrée », une « nouvelle religion » (Latouche). En effet, s’il a le mérite de poser une vision du monde sur la table, celle-ci est rarement mise en débat, bien au contraire : émettre l’idée qu’elle doive y être soumise provoque souvent incompréhension, opposition, voire anathème à l’encontre de la personne qui s’y autorise.

Dans cette vision hégémonique, « l’éducation correspond à un transfert d’informations et d’expertise surtout de type scientifique, technologique et législatif. Il s’agit aussi de former un public prêt à collaborer à des décisions prises par « en-haut » » (selon la typologie de Bertrand et Valois, 1992.

Des modèles alternatifs

Il existe d’autres visions des relations entre la société et son environnement et de la place de l’économie, comme en attestent les propositions ci-dessous.

Le modèle du développement alternatif

Credo : Seul un changement en profondeur des valeurs, des choix sociaux et des modes de vie permettra le développement de communautés viables.

Vision de l’économie : pour le développement d’une économie biorégionale qui distingue besoins réels et désirs et qui vise la réduction de la dépendance par un accroissement de l’autonomie, qui s’appuie sur la valorisation des ressources renouvelables et localement disponibles, et qui soit définie selon des processus démocratiques impliquant la participation de tous et la solidarité.

Dans cette optique, certains prônent une option « décroissance » (Latouche), où la priorité serait donnée à créer davantage de liens entre les personnes et entre les personnes et leur environnement, que de biens. On retrouve un changement de priorité du même ordre avec les visions qui plaident pour donner à l’économie, principalement incarnée par les entreprises, une utilité sociale, notion qui va beaucoup plus loin que l’idée de responsabilité sociale de l’entreprise. C’est l’idée de citoyenneté de l’entreprise, faisant de cette dernière un « acteur social durable » (Lamon, 2001), pour lequel l’ancrage social est important. Mais aujourd’hui, cette nouvelle culture répond toujours à des incitations ou à des pressions et est moins « l’expression d’un idéal philanthropique qu’une stratégie défensive du secteur privé aux prises avec une sévère contestation sociale » (Lamon, 2001, p. 206).

Vision de l’environnement : il devient un projet communautaire.

Vision de l’éducation : un processus communautaire d’investigation critique du milieu de vie pour une transformation des réalités sociales et environnementales (paradigme inventif).

Le développement autonome (ou indigène)

Credo : Le développement doit se baser sur l’identité culturelle et préserver l’intégrité territoriale.

Vision de l’économie : une économie de subsistance, endogène, collective et solidaire, associée à un territoire et qui s’appuie sur une cosmologie propre.

“L’économie de croissance menace les économies de subsistance : elle menace les bases de subsistance des humains et à long terme celle de la biosphère. Dans ce contexte, pour beaucoup de communautés, la durabilité ne signifie rien d’autre que la résistance au développement. » (W. Sachs, 1996).

Vision de l’environnement : il est vu comme un territoire, comme un milieu de vie et comme un projet culturel communautaire.

Vision de l’éducation : construction de savoirs contextuellement signifiants et utiles, prenant en compte les valeurs et savoirs-faire traditionnels.

L’environnement comme système intégrateur

L’objet de ErE, d’après L. Sauvé, ce sont les relations entre trois sphères d’interactions.
Source du schéma : Dossier du GRAINE Rhône-Alpes n°4.

Dans cette vision, « au-delà des ressources et des « services » qu’on peut en tirer et au-delà des problèmes et défis liés à la gestion de ces ressources, l’environnement est aussi considéré comme un ensemble de systèmes de vie (la nature et les écosystèmes aménagés), un territoire d’appartenance (le village, le quartier, la ville), des paysages (urbains, ruraux, naturels), un milieu de vie (la maison, l’usine, la ferme, l’école, la place publique, etc.), un réseau de relations (locales, régionales, biosphériques ; concrètes et symboliques) et bien d’autres choses encore… » (Sauvé, 2006, p.1).

Conclusion

Ce qui est un fait aujourd’hui, c’est que cette notion est (im)posée par certains acteurs, avec un schéma de pensée orienté, véhiculant une certaine vision du développement, de l’environnement et de la société. Schéma qui est aujourd’hui repris d’un bout à l’autre de la planète, avec le soutien massif des enseignants : nous assistons à un phénomène d’acculturation hors du commun.

Alors, quelle est notre mission, en tant qu’éducateurs socioculturels ? Faut-il nous rallier à la mouvance militante EDD ou EEDD sans hésiter ? Ou simplement considérer le développement durable constitue un « objet » à explorer en tant que phénomène de société, ou une proposition de référence parmi d’autres ?

Dans une autre fiche, ErE plutôt qu’EDD !, nous questionnerons son utilité comme référence dans la sphère pédagogique, puisque non seulement le développement durable devient un contenu à aborder, mais il devient également une référence pour évaluer les pratiques pédagogiques. On y trouvera des arguments pour justifier en quoi l’ErE se distancie de l’EDD et pourquoi il est essentiel pour nous de continuer à nous référer à ce paradigme fondateur.

Bibliographie

Brunel, S., 2004. Le développement durable, coll. Que sais-je ?, PUF, Paris.

Brunel, S., 2008. A qui profite le développement durable ?, Larousse, Paris.

Collectif, Publicité, marketing et développement durable : quelle alliance possible ?, CRIOC, 2007.

Dartevelle P., Latouche S., Slover J., Stengers I., Lannoye P., Javeau C., Vandermotten C., mai 2005. Décroissance ?, in Espaces de Libertés, éd. Centre d’Action laïque, n° 331, Bruxelles.

Lamon, B., 2001. La citoyenneté globale et locale de l’entreprise transnationale, thèse de doctorat, Genève, Institut universitaire des Hautes études internationales.http://www.unige.ch/cyberdocuments/…

Latouche, S., 1986. Faut-il refuser le développement ?, Paris, PUF.

Latouche, S., 1989. L’Occidentalisation du monde : Essai sur la signification, la portée et les limites de l’uniformisation planétaire, La Découverte.

Latouche, S., 2006. Le pari de la décroissance.
– Partoune C., 2004. « Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), thèse de doctorat, Université de Liège.

Partoune C. (IEP), « La référence au développement durable », in Tableau de bord « Participation et espaces publics – Pour un développement et une gestion concertée des espaces publics », Recherche Topozym pour la Politique scientifique fédérale, partenariat Ulg (UGES), UCL (USEG), Institut d’Eco-pédagogie (IEP), Vorming plus Antwerpen, mis en ligne le 31 janvier 2009. URL : http://www.topozym.be/

Sauvé, L., 2007. L’équivoque du développement durable. Chemin de Traverse – Revue transdisciplinaire en éducation à l’environnement, 4, 31-47.

Sauvé, L. (2006). L’éducation relative à l’environnement. Fiche thématique. In Gagnon, C. (2006) Rehausser la viabilité et renforcer la participation citoyenne – Un guide pour l’application territoriale du développement durable par un Agenda 21e siècle local.

Sauvé, L. (2006). L’organisation et la structuration du secteur de l’éducation en réponse au programme onusien du développement durable. In « Former et éduquer pour changer nos modes de vie », Liaison Énergie-Francophonie, 72, Décembre 2006, p. 33-41.

Rist, G. (1996). Le développement, Histoire d’une croyance occidentale, Paris : Sciences Po.

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Testart, J., 2003. Réflexions pour un monde viable, éd. Mille et une nuits.

Villalba B. et Zaccaï E., 2007. Inégalités écologiques, inégalités sociales : interfaces, interactions, discontinuités ?, Dossier 9, Revue Développement Durable et Territoires.

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Zaccaï E., 2008. Historisch overzicht van duurzame ontwikkeling:eenheid en verschillen – Un historique du développement durable : unité et différences, SPF-Développement durable, Conférence 9/8/08, téléchargeable sur le site http://www.sppdd.be.

Pour citer cet article : Christine Partoune, Michel Ericx, « Le développement durable – analyse critique », in « Diversité culturelle », répertoire d’outils créés par les formateurs de l’Institut d’Eco-Pédagogie (IEP), actualisé en septembre 2011
URL : https://ecotopie.be/publication/developpement-durable-analyse/

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