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Écosystème de la transition : la diversité des engagements pour répondre à l’urgence écologique

Une analyse de Charlotte Luyckx et Emeline De Bouver - Décembre 2019

Les constats effrayants sur l’état du monde sont nombreux d’où l’usage de plus en plus fréquent de « gros mots » comme urgence, désastre, crise, fin du monde, catastrophe, et effondrement pour décrire l’énormité de ce que nous vivons. Même si nous pensons qu’il est indispensable de regarder en face la dégradation de nos écosystèmes et d’exiger une réaction à la hauteur des défis, nous voudrions insister sur l’importance de ne pas confondre urgence et recette unique. Lorsque les enjeux sont importants, la tentation peut être grande de sacrifier la pluralité des actions mises en œuvre au nom d’impératifs liés à l’urgence qui ne s’embarrassent pas d’une analyse complexe ou nuancée. Et pourtant, penser une sortie de la crise écologique demande de prendre en compte la complexité de ses causes et donc la pluralité des modes d’engagements « valables » pour y répondre.

Thématiques

  • Transition
  • Changement social
  • Crise écologique
  • Engagements

Sixième extinction massive d’espèces, accélération du changement climatique, pollution des sols , des sous-sols et des mers, réfugiés climatiques, désertification, sur-extraction de métaux rares, inégalités sociales grandissantes, risques sanitaires dus aux pesticides… Les constats effrayants sur l’état du monde sont nombreux d’où l’usage de plus en plus fréquent de « gros mots » comme urgence, désastre, crise, fin du monde, catastrophe, et effondrement pour décrire l’énormité de ce que nous vivons. Même si nous pensons qu’il est indispensable de regarder en face la dégradation de nos écosystèmes et d’exiger une réaction à la hauteur des défis, nous voudrions insister sur l’importance de ne pas confondre urgence et recette unique. Lorsque les enjeux sont importants, la tentation peut être grande de sacrifier la pluralité des actions mises en œuvre au nom d’impératifs liés à l’urgence qui ne s’embarrassent pas d’une analyse complexe ou nuancée. Et pourtant, penser une sortie de la crise écologique demande de prendre en compte la complexité de ses causes et donc la pluralité des modes d’engagements « valables » pour y répondre.

Cette analyse présente différentes figures qui incarnent chacune à leur manière la transition. L’ensemble de ces figures forme une sorte d’écosystème. Pour rendre compte de la multiplicité des engagements nécessaires pour répondre à la crise, nous circonscrivons artificiellement six ensembles de pratiques et discours. Chacun reprend une lecture de la crise écologique et les formes d’actions écologiques envisagées pour y répondre. Comme toute catégorisation, cette vision est schématique. En réalité, il existe une pluralité de profils à l’intérieur de chaque ensemble et les frontières sont évidemment poreuses entre les profils type identifiés : beaucoup de convivialistes sont également des éco-activistes, par exemple. La distinction entre les profils d’acteur·rices répond à des besoins de clarification théorique mais ne doit bien évidemment pas être comprise comme une séparation hermétique. L’analyse se veut un outil pour nous aider dans nos animations, formations ou communications, à véhiculer une vision plurielle de la transition à laquelle la crise écologique et sociale nous appelle.

Les éco-innovateur·rices : répondre à la crise par les nouvelles technologies

Dans l’écosystème de la transition, un premier ensemble d’acteur·rices, largement dominant dans les instances internationales et les institutions publiques et universitaires, rassemble ce que nous désignons comme des éco-innovateur·rices. Éoliennes, panneaux solaires, véhicules électriques, agrocarburants… Les personnes qui composent ce large ensemble sont pour la plupart des expert·es. Ils s’attellent à la lourde tâche d’inventer de nouvelles technologies fonctionnant avec des ressources énergétiques alternatives au fossile ou d’améliorer l’éco-efficience des technologies existantes.

L’imagination technico-scientifique se met ainsi, chez les éco-innovateur·rices, au service de la sauvegarde de la planète. Certains s’appuient sur le vivant pour tenter de s’en inspirer afin de rendrenos techniques plus durables et moins polluantes (biomimétisme). D’autres imaginent ce qui ressemble pour nous quasiment à de la science-fiction, ou du moins à des technologies du futur en créant des robots, des capteurs de CO2 et des formes d’intelligence artificielle capable de réduire l’impact de l’humain sur les écosystèmes. Principalement réservée à une élite d’expert·es, l’éco-innovation ne se résume pas pour autant à ce type de profils particuliers : des coopératives se créent également pour mutualiser la production d’énergie à petite échelle, à travers des projets d’éoliennes citoyennes par exemple ou des innovations de terrain émanant de groupes de permaculture ou d’initiatives de transition : des fours solaires aux poêles de masses en passant par la mise en circulation de pousse-pousse ou autres innovations collectives visant la diminution de l’impact carbone… L’enthousiasme des éco-innovateur·rices est communicatif. Leur idée, c’est que la crise écologique est d’abord une crise de l’énergie. L’essor de la société techno-industrielle est tributaire de l’exploitation des ressources fossiles. Tout le fonctionnement de notre société est basé sur le recours à des technologies qui dépendent du pétrole. L’impératif premier, pour transiter, c’est de trouver des alternatives technologiques innovantes, durables, éco-efficientes et non polluantes.

La pertinence d’une telle approche est évidente, et très majoritairement acceptée. Cependant, il est clair qu’une telle lecture est insuffisante pour penser la crise dans sa globalité : l’effet rebond, le couplage entre la consommation d’énergie et la croissance du PIB, les limites physiques des rendements énergétiques du renouvelable et les dangers d’une transition technocratique en termes de démocratie montrent autant de limites aux promesses que peut remplir l’éco-innovation. Ces limites nous poussent à tisser des ponts entre cette approche et les trois suivantes : celle des alter-consommateurs, celle des convivialistes et celle des éco-activistes, qui chacun à leur façon cherchent à combler les lacunes d’une approche strictement technique de la transformation écosociale. Ces approches partent du constat que la crise écologique et sociale que nous traversons touche également nos choix de consommation et nos choix de vie au quotidien, notre façon d’être ensemble et les axiomes de nos modèles économico-politiques.

Les alterconsommateur·rices : répondre à la crise par un changement de modes de vie

Contrairement à une vision strictement techniciste qui entretient le mythe selon lequel il nous serait possible, grâce à la transition énergétique, de maintenir l’occidental way of life, cette deuxième catégorie d’acteur·rices considère que nous devons revoir nos modes de consommation actuels et repenser nos modes de vie en développant des comportements alternatifs : il s’agit des alterconsommateur·rices ou des partisan·nes de l’écocivisme.

Les pratiques d’alterconsommation sont régulièrement défendues comme un pas de côté, une manière de cesser d’être complices par nos pratiques d’une société polluante, sur-extractiviste, société de l’excès et du gaspillage. L’idée est que pour répondre à la crise, il s’agit aujourd’hui de vivre écologiquement, d’adapter nos modes de vies aux limites de la planète, de consommer moins et autrement.

Face à la crise, les alterconsommateur·rices endossent la posture du colibri : agir concrètement sur nos environnements immédiats et ne pas attendre que d’autres se bougent, ni que les politiques s’y mettent, sinon il sera trop tard. Simplicité volontaire, Zéro Déchet, survivalisme 1, consom’action, cette conception de la transition comme changement des pratiques et des comportements individuels, sensé se propager selon le modèle de la tache d’huile, prend différents visages. Il·elles sont nombreux ces citoyen·nes qui pensent que l’écocivisme transformera la société, qu’il s’agit d’une composante indispensable au changement social. Ils agissent en réponse à une conception de la crise écologique vue comme la conséquence de nos pratiques et de leurs impacts sur les écosystèmes.

Par des phénomènes additionnels ou multiplicateurs, nos comportements individuels ont un impact désastreux sur l’environnement : pollution, surexploitation des sols… Pour ceux et celles qui posent des écogestes, il s’agit aujourd’hui en priorité de s’attaquer à notre complicité individuelle en questionnant nos modes de vie : « chacun·e de là où il·elle est » peut cesser de participer à la crise par moins ou d’autres achats, investissements, hobbies, transports… Héritier·es des mouvements des années 1970 qui visaient notamment à pluraliser l’action politique au travers de différents angles d’approche comme ce fut le cas du féminisme, les alterconsommateur·rices soulignent la nécessité de repenser la porosité entre actes individuels et réalités collectives.

Pour consommer autrement ou apprendre à faire eux-mêmes, les alterconsommateur·rices s’appuient généralement sur un ensemble de groupes où les informations, les savoirs, les savoir-faire circulent en toute convivialité… et sont, à ce titre, proches de notre troisième catégorie d’acteurs : les convivialistes.

Les convivialistes : répondre à la crise en créant du lien social

À côté de la lecture de la crise écologique par les techniques et les pratiques, se dessine un troisième ensemble qui regroupe ceux et celles qui pensent que la crise écologique est d’abord une crise de la séparation, du manque de lien, de ce que l’on appelle l’atomisme social 2 ou encore l’individualisme. Les convivialistes, dans le prolongement des idées d’Ivan Illich notamment, affirment que la révolution écologique passera indispensablement par la création de liens et l’autonomisation des acteurs vis-à-vis des institutions.

Les acteur·rices de ces initiatives très diverses posent une analyse sociale et relationnelle de la crise écologique. Pour eux·elles, la surconsommation trouve sa source dans un vide relationnel, un manque de soutien collectif et de tissus social. En quelque sorte, l’individualisme y est vu comme un des moteurs principaux de l’hyper-consommation considérée comme mécanisme compensatoire. S’engager à transformer la société passe dans cette optique par la création de liens, d’initiatives collectives locales, par le maillage des réseaux de solidarité. Groupes d’achats, donneries, potagers collectifs, villes en transition, réseaux d’échanges de savoirs, de services… autant d’initiatives qui peuvent émerger autour de ce besoin de lien, de convivialité locale. L’enjeu clé de la transformation réside dès lors dans la mobilisation des intelligences collectives, dans le fait de repenser le vivre-ensemble, la réappropriation des savoirs et savoir-faire conviviaux et la revivification de nos démocraties à partir d’expérimentations démocratiques au sein de collectifs locaux.

Le cœur de ce type d’engagement n’est plus individuel, comme dans le cas des alterconsommateur·rices, mais davantage interindividuel. Tout en dépassant la sphère de l’individu, les initiatives conviviales ne visent généralement pas directement une transformation structurelle qui détricoterait l’ensemble de notre modèle politico-économique.

Les éco-activistes : répondre à la crise par l’action collective

Les éco-activistes s’attellent précisément à ces questions structurelles. Ils·elles analysent la crise écologique comme crise d’un système politique et/ou économique (qu’on le nomme néolibéralisme, capitalisme ou encore productivisme ou croissancisme) qui écrase tout sur son passage : aussi bien les humains que la nature et l’ensemble des êtres vivants…

L’engagement écologique revient dans cette optique à remettre en question, modifier ou renverser les piliers de ce système. Il s’agit pour nos éco-activistes de changer les rapports de pouvoir, de transformer les institutions, de bloquer symboliquement des institutions phares du système. Marches pour le climat, happenings festifs, actions de désobéissance civile, lobbying environnemental, objection de croissance, zones à défendre, créations de partis politiques, action antipub, anti TTIP/CETA etc. La palette d’actions est extrêmement variée entre sensibilisation, lobbying, désobéissance civile, occupation, manifestations… Dans cette galaxie activiste, nous observons également une grande diversité d’idées sur le pouvoir : pour certain·es il faut le convaincre, pour d’autres le transformer, pour d’autres encore lutter contre lui, le renverser, construire à coté, s’y introduire ou le prendre 3… L’analyse générale est cependant partagée : la crise écologique est une crise de l’ensemble de notre société : la crise d’un système économique et politique qui a fait son temps et doit maintenant se transformer de façon urgente pour intégrer la question de la justice sociale, les limites planétaires, les peuples du Sud Global…

À l’heure de repenser nos modèles économiques et politiques, les éco-activistes sont bien souvent amenés à questionner notre culture et nos systèmes de croyance. À ce titre, ils·elles se retrouvent confronté·es à des questions philosophiques fondamentales qui débordent la sphère strictement politique et économique et nous engagent dans travail en profondeur sur nos représentations. C’est ainsi qu’une forme moins directement évidente d’engagement écosocial se dessine.

Les écosophes : répondre en développant des représentations culturelles alternatives

À côté de ceux et celles qui pensent le changement écosocial à partir d’une refonte des pratiques, d’une revalorisation du lien ou d’un changement structurel, on peut ainsi identifier un autre large ensemble d’acteur·rices qui mettent l’accent sur le changement culturel nous invitant à repenser nos représentations de « la vie réussie », du succès, de l’abondance, du travail, mais aussi de l’humain, de la nature et de leur relation.

Ces personnes nous emmènent dans les méandres de la philosophie, de l’éthique et de la psychologie : les racines de la crise écologique résident ici dans nos croyances culturelles modernes. Parmi celles qui posent problème : une vision de l’humain, individu rationnel, autono me, mu par des impératifs d’efficacité et d’objectivation du monde, une vision dans laquelle seul l’humain est doté de valeur, réduisant la valeur de la nature à son utilité pour lui (ce que l’on appelle l’anthropocentrisme, et dont on trouve les racines chez Kant) et enfin un fossé infranchissable entre humain et nature, entre raison et sentiment, entre nature et culture, dont on retrouve des racines chez Descartes…

Une réflexion sur les héritages philosophiques de la crise écologique mène ainsi les écosophes à réfléchir à des alternatives non seulement techniques, économiques et politiques mais aussi anthropologiques (une autre vision de l’humain 4) et ontologique (un autre vision de la réalité) à la crise écologique. L’enjeu clé de cet engagement écosophique, c’est de repenser notre lien à la nature, et plus généralement à tout ce que la modernité a exclu de son champ : l’émotion, les connaissances traditionnelles, l’intuition, le sens du lieu, de l’appartenance à un collectif, le « soin » sous ses formes non institutionnalisés. À cette liste, les écoféministes rajouteront le féminin/les femmes et/ou le travail domestique des femmes, soumises aux mêmes mécanismes de domination que la nature et les pays colonisés : une invisibilisation, une violence directe ou indirecte. L’activisme écosophique peut également prendre la forme d’un travail de type écopsychologique 5 : une patiente reconnexion à ces parts de nous-mêmes exclues du champ de la rationalité et de l’efficacité, à nos émotions, à une nature vivante et vibrante en nous et hors de nous.

Dans une optique écosophique, qu’elle soit deep ecologist, écoféministe ou écopsychologique, la crise écologique est analysée comme une crise de la déliance engageant un travail de reliance 6 à soi, aux autres et à l’environnement. Ce travail nous pousse à trouver de nouveaux points d’ancrage, car le « sevrage » des axiomes modernes qui nous ont servi de repères depuis cinq siècles peut nous laisser existentiellement démunis. Cela nous mène à identifier un sixième univers de discours et pratiques sur la transition que nous pouvons appeler écospirituel.

Les éco-spiritualistes: répondre à la crise par le travail intérieur

Pour terminer l’exploration – certainement non exhaustive – de l’écosystème de la transition, on peut identifier un dernier ensemble aux contours flous : ceux et celles qui affirment que la révolution écologique est d’abord une évolution intérieure. Pour eux·elles, la crise écologique est liée à la façon dont, culturellement, nous avons pris l’habitude de répondre aux angoisses existentielles inhérentes à la nature humaine : la peur de la mort, la peur de notre insignifiance, la peur de souffrir ou l’angoisse d’un vide de sens ont été traduites en soif décomplexée de consommation et en volonté de maîtrise.

La société de démesure que nous avons construite n’est pas seulement extérieure à nous : nous entretenons une complicité existentielle avec elle. C’est pourquoi, dans cette optique, s’engager pour l’écologie, c’est d’abord « être le changement », c’est devenir agent·es de changement culturel en détrônant notre « capitaliste intérieur » (Arnsperger) ou encore en opérant une « (r)évolution intérieure » (mouvement Colibri) ou une « métanoïa » (Maxime Egger). Ceux et celles qui voient la transformation écososiale comme nécessitant un travail intérieur, cherchent à identifier leurs « complicités existentielles » (Arnsperger) et s’engagent dans un travail de guérison des blessures et angoisses qui les nourrissent afin de développer une intériorité citoyenne (d’Ansembourg).

Il est clair que cette forme d’écomilitance mobilise une logique sensiblement différente des formes développées plus haut, notamment en ce qui concerne le rapport au temps et à l’action : engagement par le non-agir, pour reprendre la formule taoïste, les écospiritualistes ont tendance à valoriser, en complément d’une action concrète dans le monde, des temps de retrait, de recul et de ralentissement. Ne s’agit-il pas, en effet, dans certains cas, d’en faire moins plutôt que d’en faire plus ? Le slogan « l’urgence de prendre le temps » illustre particulièrement bien ce temps long vu comme nécessaire au changement de culture.
Évidemment, à l’instar des autres formes d’engagement développées, pour répondre à la crise écologique, cette dernière forme d’écomilitance, ne peut se suffire à elle-même : elle s’actualise dans des pratiques, des modèles et des visions différentes à mettre en œuvre.

Conclusion

Ces six formes d’engagement écosocial forment un écosystème, agissent et rétroagissent les unes sur les autres d’une façon telle qu’ensemble elles contribuent à opérer ce vaste, profond et radical changement de société auquel la crise nous accule. Chacune de ces formes d’engagement a sa zone de pertinence et ses limites. La tentation est grande de vouloir trancher parmi ces différentes grilles de lecture et chercher « LA » forme ultimement pertinente d’engagement à laquelle nous vouer ou à valoriser auprès de nos publics. Le sentiment d’urgence et la gravité de la situation renforcent encore cette tentation.

Ce piège doit être évité pour au moins deux raisons : la première c’est que nous ne pouvons pas nous donner le luxe de perdre nos énergies à critiquer nos voisin·es les plus proches : ceux et celles qui, comme nous, s’engagent pour l’émergence d’une société compatible avec les limites planétaires (qu’elles soient sociales, physiques ou ontologiques). Au contraire, il nous faut unir nos forces. Percevoir que l’autre n’est pas en dehors du champ de la transformation écosociale mais la comprend autrement peut déplacer le débat de « j’ai raison et tu as tort » vers un dialogue critique constructif. Valoriser la pluralité des engagements n’implique pas qu’il faille les lisser, endosser leur égale pertinence dans tous les cas ou nier la conflictualité qui peut les animer. Au contraire, cette reconnaissance vise à créer un espace de reconnaissance mutuelle où le débat sur les finalités et les moyens n’est pas esquivé en raison d’une décrédibilisation a priori de certains types d’actions considérés comme n’étant « pas suffisamment engagés », « trop violents », « pas assez structurels », « trop extérieurs », « insignifiants » ou encore « inutiles » comme on l’entend trop souvent à l’heure actuelle.

La deuxième raison est liée au constat d’une grande incertitude dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. L’avenir est incertain, le changement est nécessaire mais l’inertie est immense. Nous ne savons pas encore vraiment quels vont être les éléments déclencheurs des basculements que nous espérons. Parfois les voies les plus pragmatiques à court terme ne sont pas celles qui peuvent générer les changements les plus déterminants… L’argument pragmatique ou lié à l’efficacité directe n’est pas un absolu.

C’est pourquoi il nous semble indispensable d’ancrer nos pratiques éducatives et engagées dans une vision plurielle de la transition, respectueuse de la socio-diversité des pratiques et des visions du monde.

 

Charlotte Luyckx et Emeline De Bouver

Notes

      1. Le survivalisme fait référence à des comportements individuels et collectifs d’anticipation de potentielles « ruptures de normalité ». Les survivalistes sont souvent connus du grand public par leurs pratiques d’accumulation de vivres, de construction d’abris sécurisés, d’entraînement à des techniques de combat ou de survie en pleine nature.
      2. «[…] c’est-à-dire une condition dans laquelle chacun et chacune définit ses objectifs de façon individuelle et n’adhère à la société que sur une base instrumentale » (Taylor C., Les sources du moi, La formation de l’identité moderne, Paris, Seuil, 1998, p. 519).
      3. Sur les différentes stratégies d’actions collectives, voir notamment l’analyse écrite par Damien Charles de l’asbl Quinoa en 2018 : Quelles stratégies pour l’action collective ? www.fucid.be/wp-content/uploads/2018/10/analyse-reflexion-2018.pdf
      4. Comme autre vision de l’humain, pensons par exemple aux sphères d’interaction proposée par Lucie Sauvé bien connues du secteur de l’éducation relative à l’environnement voir notamment SAUVE L., 2002. « L’éducation relative à l’environnement : possibilités et contraintes ». Connexion, Vol. XXV11, no 1/2, p. 1-4.
      5. L’Écopsychologie est le nom le plus souvent utilisé pour cette synthèse émergente de la psychologie (qui embrasse les domaines psychothérapeutique et psychiatrique) et de l’écologie. D’autres termes ont été suggérés… Mais quelle que soit sa dénomination, la thèse sous-jacente est la même : l’écologie a besoin de la psychologie, la psychologie a besoin de l’écologie. » (Theodore Roszak,in Roszak T., Mary E. Gomes, Allen D. Kanner Ecopsychology, Restoring the Earth Healing the Mind, 1995). Au sujet de l’écopsychologie, cf également Macy J ,Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, Le souffle d’or, 2008.
      6. Le concept de reliance est développé notamment par le sociologue belge Marcel Bolle de Bal : Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance (Tome 1), Paris, l’Harmattan, 1996 et par Edgard Morin (2014) : « La méthode – 6. L’éthique », Paris :Seuil, p. 222. La reliance désigne « la création de liens entre une personne et soit un système dont elle fait partie, soit l’un de ses sous-systèmes ». On peut décliner ce concept en distinguant différentes formes de reliance : la reliance sociale, la reliance psychologique (c’est-à-dire la reliance à soi ou à Soi) et la reliance cosmique (c’est-à-dire la reliance à la nature et au cosmos). La reliance se distingue du lien (synonyme de fusion) et de la déliance (rupture des liens) : elle est recréation de liens sur base d’une séparation.

Bibliographie

Bolle de Bal, Marcel, 1996. « Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance (Tome 1) », Paris : l’Harmattan.

Charles, Damien, 2018. « Quelles stratégies pour l’action collective ? », analyse Fucid : www.fucid.be/wp-content/uploads/2018/10/analyse-reflexion-2018.pdf

Morin, Edgar, 2014. « La méthode – 6. L’éthique », Paris : Seuil.

Macy, Joanna, 2008. « Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre », Le souffle d’or.

Roszak, Theodore, Gomes, Mary E. et Kanner, Allen D., 1995. « Ecopsychology, Restoring the Earth Healing the Mind ».

Sauvé, Lucie, 2002. « L’éducation relative à l’environnement : possibilités et contraintes ». Connexion, Vol. XXV11, no 1/2, p. 1-4.

Taylor, Charles, 1998, « Les sources du moi, La formation de l’identité moderne », Paris : Seuil, p. 519.

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