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Éducation relative à l’environnement (ErE) : de quoi s’agit-il ?
Table des matières
Définir l’ErE
Intentions
Un peu d’histoire pour situer l’émergence des fondements de l’ErE
Les objectifs de l’ErE
L’ErE, un paradigme émancipateur
Et sur le plan méthodologique ?
Pour aller plus loin
Bibliographie
Définir l’ErE
Il est sans doute utile, puisque c’est une référence qui est mal connue et peut-être en péril, de rappeler les fondements de l’éducation relative à l’environnement (ErE). Après une première Conférence internationale des Nations unies sur l’environnement humain à Stockholm en 1972, qui marque le début de l’éducation relative à l’environnement sur un plan international et institutionnel, les États membres de l’UNESCO ont établi une définition de l’Éducation relative à l’Environnement lors d’un séminaire fondateur à Belgrade en 1976, puis lors d’une Conférence internationale et intergouvernementale à Tbilissi (URSS à l’époque), en 1977 :
« L’éducation relative à l’environnement est conçue comme un processus dans lequel les individus et la collectivité prennent conscience de leur environnement et acquièrent les connaissances, les valeurs, les compétences, l’expérience et aussi la volonté qui leur permettront d’agir, individuellement et collectivement, pour résoudre les problèmes actuels et futurs de l’environnement ».
Comme le précise L. Sauvé, « l’ErE n’est pas une forme d’éducation, une « éducation à …. (…). Il s’agit d’une dimension essentielle de l’éducation fondamentale » (Sauvé, 2002), où l’environnement est vu comme un système intégrateur au sein duquel les personnes et les sociétés se construisent :
L’objet de ErE, d’après L. Sauvé, ce sont les relations entre trois sphères d’interactions
Source du schéma : Dossier du GRAINE Rhône-Alpes n°4.
Voici comment elle présente cette vision de la place de l’environnement par rapport à l’homme : « A la base du développement personnel et social, on retrouve trois sphères d’interactions, étroitement reliées entre elles :
- la sphère d’interactions avec soi-même (lieu de construction de l’identité) ;
- la sphère d’interactions avec les autres (lieu de l’éducation à la citoyenneté, qui implique l’éducation interculturelle, à la démocratie, à la paix, à la coopération…) ;
- la sphère d’interactions avec le milieu de vie partagé, Oïkos (lieu de l’éducation éco-logique et de l’éducation éco-nomique, où s’enrichit la signification de l’être-au-monde à travers les relations avec l’ autre qu’humain) » (Sauvé, 2002).
Pour Lucie Sauvé, « l’espace de l’ErE correspond à l’une des trois sphères d’interaction à la base du développement des personnes au sein de leur milieu de vie : il s’agit de la troisième sphère, étroitement interreliée aux premières » (Sauvé, 1998).
Pour mieux comprendre la pensée de L. Sauvé, voici l’article de référence au complet :
C’est pour manifester cette complexité que l’expression « éducation relative à l’environnement » s’efforce de combiner deux perspectives :
- une éducation pour l’environnement, centrée sur une meilleure prise en compte de l’environnement par un individu ou un groupe social afin d’en préserver ou en développer les qualités ;
- une éducation par l’environnement, centrée sur la personne ou le groupe social, qui reconnaît l’environnement non seulement comme un terrain particulièrement motivant pour le développement personnel, mais surtout comme un cadre de vie existentiel et un territoire de socialisation.
La double flèche exprime la relation contradictoire entre les deux perspectives pédagogiques « par » et « pour » l’environnement.
En effet, plus on se focalise sur la personne (éducation par l’environnement), plus on risque de négliger l’environnement, que certains considèrent comme un « terrain de jeu » avant tout, et rien de plus. En témoignent certaines pratiques dites éducatives dans les activités « nature-aventure » très à la mode aujourd’hui, bien souvent menées sans égard pour les dégâts occasionnés à la nature.
Mais plus on se focalise sur l’environnement, plus on risque d’oublier à quel public on s’adresse, infligeant à l’apprenant anonyme un cours magistral dans un langage peu adapté, comme en témoignent certaines balades guidées ou certaines expositions.
Tout l’enjeu de l’ErE est de travailler au coeur de cette tension, plutôt que de l’évacuer en ne se préoccupant que d’un focus. Ainsi, tout étant attentive à respecter les individualités en présence, « l’éducation relative à l’environnement vise à induire des dynamiques sociales, d’abord à l’échelle des communautés puis à celle de réseaux de solidarité élargis, favorisant l’approche collaborative et critique des réalités socio-environnementales et une prise en charge autonome et créative des problèmes qui se posent et des projets qui émergent » (Sauvé, 2002).
Un peu d’histoire pour situer l’émergence des fondements de l’ErE
L’éducation à l’environnement s’est développée de manière sporadique jusqu’à la moitié du XXe siècle, avec la prise de conscience des problèmes environnementaux et l’essor de l’écologie, mais c’est avec la Conférence de Stockholm en 1972 qu’elle a véritablement été reconnue à l’échelle internationale et commencé à être soutenue institutionnellement dans différents pays.
- En France, création des Centres permanents d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) ;
- En Belgique, création d’Education-Environnement à Liège et des Cercles des Naturalistes de Belgique à Vierves-sur-Viroin.
L’éducation à l’environnement largement caractéristique à la fin des années septante, était surtout une éducation à la nature, le plus souvent prise en charge par des scientifiques. Elle fondait son approche pédagogique sur la croyance suivante : pour respecter la nature, il faut l’aimer, et pour l’aimer, il faut mieux la connaître.
La porte de la connaissance était considérée comme la voie royale pour sauver l’environnement !
Mais après des années d’effort en ce sens, il fallut admettre l’évidence : cela marchait mal, ou pas du tout ! Du moins avec un public d’enfants ou d’adolescents.
C’est alors qu’est venue du monde anglo-saxon l’idée qu’il fallait d’abord que les enfants se sentent bien dans la nature, qu’ils dépassent leurs peurs pour oser s’y aventurer, goûter aux multiples plaisirs sensoriels qu’elle peut offrir. Cette posture éducative accorde beaucoup plus d’importance à la relation affective qui se noue avec la nature, plutôt qu’à l’acquisition de connaissances : “When you name something, you tend to stop thinking about it” (Van Matre, 1990) – quand vous nommez quelque chose, vous avez tendance à arrêter de penser.
L’analyse de l’échec de l’éducation à l’environnement dite aujourd’hui « traditionnelle » conduisit à reconnaître l’importance de la prise en compte de la personne à « éduquer » dans sa globalité : elle n’est pas seulement quelqu’un qui réfléchit, elle est aussi quelqu’un qui ressent des émotions, qui éprouve des sentiments, qui a des besoins fondamentaux (de reconnaissance et d’amour, de développer sa créativité, d’agir, ….). De plus, sa relation à l’environnement et au monde qui l’entoure en général est conditionnée par sa relation à lui-même et aux autres.
Parallèlement, le concept d’environnement, trop souvent associé à la nature, s’est élargi : il est devenu un système dynamique défini par des interactions dans un espace donné, entre le milieu abiotique et les êtres vivants (individus ou groupes, hommes inclus) et entre les êtres vivants.
On parle désormais d’écosociosystème et la ville commence timidement à être considéré comme un lieu où mener des activités d’éducation relative à l’environnement urbain.
Développer une relation à l’environnement dans une perspective globale est dès lors apparu comme une finalité incontournable fin des années 80.
Les objectifs de l’ErE
Les objectifs fondamentaux de l’ErE ont été confirmés à Moscou en 1987 puis intégrés dans le Programme international pour l’éducation relative à l’environnement (PIEE) :
- Sensibiliser et aider les individus à prendre conscience des interactions entre les problèmes économiques, sociaux, politiques et écologiques des zones urbaines et rurales.
- Aider les individus à acquérir les connaissances, les valeurs, les attitudes, la motivation et les compétences requises pour la protection et l’amélioration de l’environnement.
- Provoquer de nouveaux modes de comportement chez les individus et les groupes sociaux en ce qui concerne l’environnement.
Quatre objectifs particuliers ont été définis en 1989 (séminaire de Lillehammer en Norvège), dont le premier a été jugé le plus important :
- Des objectifs affectifs et émotionnels : développer des sentiments d’amour, de respect et d’engagement envers la nature et l’humanité.
- Des objectifs moraux : acquérir une attitude nouvelle de responsabilité envers la nature et l’humanité, intégrer ainsi des valeurs de solidarité, d’égalité entre les peuples et de coopération en vue de la résolution de problèmes.
- Des objectifs cognitifs : acquérir des connaissances sur les interactions complexes des ressources, de l’économie, de la politique et des systèmes sociaux ; apprendre à quel point les peuples du monde sont dépendants les uns des autres.
- Des objectifs d’action : acquérir les compétences nécessaires à la résolution de problèmes, développer de nouveaux comportements et participer activement à la résolution de ces problèmes.
L’ErE, un paradigme émancipateur
Il est intéressant d’examiner cette remise en question des finalités de l’éducation environnementale à la lumière d’une grille qui décode les valeurs implicites dans l’éducation, en fonction des priorités qu’on lui donne :
- Idéologie humaniste : centrée sur le développement de la personne dans son intégralité par le biais d’expériences, d’activités de découverte et d’apprentissage actif, où l’expression personnelle et la recherche de sens ont une place importante.
- Idéologie progressiste : centrée sur le fonctionnement de la société, l’éducation valorise le changement social et sociétal en apprenant à contester le statu quo, à développer une conscience critique, à comprendre les rapports de force et leurs impacts, et à avoir conscience de points de vue alternatifs en matière d’environnement.
- Idéologie scientiste : centrée sur la connaissance de l’environnement, elle valorise le développement de l’esprit, en particulier de la pensée rationnelle, et accorde surtout de l’importante à la connaissance des sujets à étudier, à la transmission de la culture environnementale, au recueil des représentations et à l’excellence du développement cognitif.
- Idéologie environnementaliste : centrée sur la défense de l’environnement, l’éducation vise avant tout le développement de savoir-faire et de compétences au service d’actions pour conserver et protéger l’environnement.
En croisant cette grille avec les dimensions « par-pour » de l’ErE, on obtient un curseur avec l’interprétation suivante des activités éducatives à développer :
Dans sa thèse de doctorat, Lucie Sauvé (1997) a inventorié un grand nombre de pratiques en éducation relative à l’environnement. Pour elle, ce qui fait la richesse de l’ErE, c’est la diversité des pratiques, qui témoignent elles-mêmes d’une grande diversité dans les visions éducatives.
Si l’on se réfère au tableau qui précède, on peut associer pratiques et visions éducatives de la manière suivante :
Éducation centrée sur la personne dans son environnement
Les activités d’éducation par l’environnement centrées sur la personne choisiront plutôt l’approche affective et sensorielle du milieu afin de développer sa sensibilité et une meilleure connaissance d’elle-même. Elles accorderont une place importante à l’expression personnelle et au développement de la créativité avec des éléments de la nature. Elles privilégieront une relation agréable et émotionnellement intense avec l’environnement ; certaines activités feront prendre conscience de l’importance de l’environnement dans la construction de notre identité et viseront à créer ou à renforcer les attaches de chacun avec son environnement.
Éducation centrée sur la société
Les activités d’éducation par l’environnement centrées sur la société vont d’abord viser le développement d’une pensée critique en décodant les valeurs (approche morale) dont témoigne la physionomie du paysage et en identifiant les rapports de force passés et présents qui président aux choix déterminants pour l’environnement (approche politique). Elles s’attacheront ensuite à soutenir la capacitation écocitoyenne (capacité à se mobiliser et à s’impliquer pour des enjeux environnementaux communs) des personnes et des groupes sociaux (approche praxique). Elles navigueront donc entre deux pôles contradictoires, la socialisation et l’émancipation sociale.
Éducation centrée sur l’environnement en tant qu’objet de connaissance
C’est l’approche interdisciplinaire et systémique qui sera privilégiée. Les activités d’éducation pour l’environnement viseront la compréhension des processus de production des écosociosystèmes par l’apprentissage de la description et de la représentation scientifique d’un milieu. Elles y intégreront l’analyse des représentations sociales sur l’environnement et de leur impact sur le fonctionnement des systèmes. Elles s’attacheront aussi à donner des clés pour décrypter la logique des acteurs du sociosystème étudié. Elles viseront essentiellement la conscientisation de notre responsabilité dans les problèmes environnementaux actuels.
Éducation centrée sur la gestion de l’environnement
L’accent sera mis sur les approches behavioriste et pragmatique visant à résoudre des problèmes environnementaux ou à les éviter : apprendre à trier ses déchets, à éviter le gaspillage, à choisir ses achats avec discernement, à réaliser un diagnostic territorial et à rechercher des solutions viables, ou encore participer à la conception et à la réalisation d’un projet d’aménagement.
Et sur le plan méthodologique ?
Les principes suivants (Sauvé, 1994) restent d’actualité :
- Partir de l’expérience concrète, directe : il peut s’agir d’une expérience cognitive, affective, morale, spirituelle, physique, etc.
- Privilégier une pédagogie de terrain : apprendre dans et par l’environnement, à commencer par le milieu de vie quotidien.
- Adopter une approche interdisciplinaire des réalités environnementales, permettant une vision globale et systémique de ces dernières.
- Favoriser l’implication active des apprenants à la gestion de situations d’apprentissage et à la construction du savoir.
- Stimuler le travail coopératif.
- Privilégier une orientation communautaire : apprendre avec les gens de la communauté, pour la résolution de problèmes environnementaux communautaires.
Pour aller plus loin
Comme le souligne le Réseau IDée : « Les approches et méthodologies de l’ErE se veulent multiples, contrastées et complémentaires, adaptées au contexte, aux participants, au temps disponible et aux moyens mis à disposition ». Sur le site du Réseau IDée, de nombreux exemples en témoignent, ainsi que dans la revue Symbioses.
Le Réseau IDée a coordonné la rédaction collective d’un document intitulé « Parcours d’ErE », qui propose une définition de l’ErE par les acteurs de terrain.
L’éducation relative à l’environnement, c’est aussi un champ de recherches très important, qui s’est développé depuis les années 90 dans de nombreux pays, comme en témoigne l’excellente revue « Éducation relative à l’environnement : Regards – Recherches – Réflexions », dont tous les articles sont téléchargeables.
Bibliographie
GIORDAN A., MARTINAND J.-L., 1992. Une éducation pour l’environnement, Nice, Z’éditions.
GUILLEAUME C., 1998. Guide pédagogique pour une éducation relative à l’environnement, De Boeck, Bruxelles.
SLATER F., 1996. »Values : Towards mapping their locations in a geography education », in Geography in Education, Canterbury University Press, 1996, p. 218.
SAUVE L., Symbioses, n° 20, janvier 1994.
Sauvé Lucie, Pour une éducation relative à l’environnement, Le Défi Educatif collection, 2e édition, Montréal, Guérin (Canada), 1997.
SAUVE L., 1998. L’éducation relative à l’environnement – Entre modernité et postmodernité : Les propositions du développement durable et de l’avenir viable. In Jarnet, A., Jickling, B., Sauvé, L., Wals, A. et Clarkin, P. (dir.). A colloquium on the future of environmental education in a postmodern world ? Proceedings of an on-line colloquium held on October 19th 1998, 57-70.
Sauvé L., Orellana I., Qualam S. et Dubé S., 2001. L’éducation relative à l’environnement – École et communauté : une dynamique constructive, Montréal, Éd. Hurtubise-HMH (Canada).
SAUVE L., 2002. « L’éducation relative à l’environnement : possibilités et contraintes ». Connexion, Vol. XXV11, no 1/2, p. 1-4.
SAUVÉ, L. 2007. « L’éducation relative à l’environnement. Une invitation à transformer, améliorer ou enrichir notre rapport à l’environnement ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable.
UNESCO-PNUE, 1976. La Charte de Belgrade, Colloque international sur l’éducation relative à l’environnement, Belgrade, 13-22 octobre 1975. Connexion, Bulletin de l’éducation relative à l’environnement, 1, p. 1-3.
UNESCO-PNUE, 1977. Conférence internationale intergouvernementale sur l’éducation relative à l’environnement, Tbilissi, 14-26 octobre 1977, rapport final, Paris.
UNESCO-PNUE, Guide on Environmental Education Values Teaching, Série environnementale, n°13, 1985.
VAN MATRE, S., 1990. Earth Education : A New Beginning. Warrenville, IL : The Institute for Earth Education.
VILLEMAGNE C., 2004-2005. Le milieu de vie comme point d’ancrage pour l’éducation relative à l’environnement : réalité ou chimère ?, in Education relative à l’environnement, Regards, recherches, réflexions, vol. 5, pp. 89-95.