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De l’expérience en nature à l’écocitoyenneté
Recherche-action participative, par et pour les animateurs et animatrices nature.
Résumé
La situation sociale et environnementale actuelle fait aujourd’hui consensus : l’activité humaine entraine le dépassement de plusieurs limites planétaires et les enjeux de justice sociale ne peuvent plus être niés. Il est nécessaire de modifier nos modes de vie et les rapports de force pour répondre à l’urgence sociale et écologique. Parmi les leviers à disposition, l’éducation est souvent mise en avant comme étant un levier incontournable pour transformer en profondeur nos modes de vie et résoudre, sur le long terme, ces enjeux.
Notamment, l’éducation joue un rôle de premier plan dans le développement de l’écocitoyenneté chez les enfants, les jeunes et les adultes. Boutet (2003, 2013) définit l’écocitoyenneté comme reposant sur le développement d’une relation solidaire et responsable vis-à-vis du vivant, tant humain que non humain. L’éducation relative à l’environnement (ErE) contribue au développement de l’écocitoyenneté, qui est d’ailleurs, selon plusieurs auteurs et autrices, une de ses finalités (Martinez et Poudenot 2009, Sauvé 2014, Diab et al. 2014, Ibinga 2018). Par ailleurs, une pratique a le vent en poupe en ErE : l’éducation par la nature. Emmener les enfants dehors, au contact de la nature, est vu comme un enjeu majeur du système éducatif, et les appels et plaidoyers en faveur de cette démarche se multiplient.
Cette recherche explore donc les liens entre le développement de l’écocitoyenneté et l’éducation par la nature. L’éducation par la nature participe-t-elle au développement de l’écocitoyenneté auprès de groupes d’enfants de 6 à 12 ans ? A quelles conditions ?
Pour répondre à cette question, cette recherche propose une démarche originale combinant recherche-action participative et analyse qualitative et inductive. Un groupe de travail composé de 15 animateur·rices et formateur·rices en ErE actifs et actives en Belgique francophone a été organisé de 2020 à 2022 (cinq rencontres). En parallèle, 10 entretiens semi-directifs, de multiples immersions et un partenariat avec la recherche française « Grandir avec la nature » ont été menés.
Le processus collectif du groupe de travail ainsi que l’analyse de l’ensemble de ces données permettent de formuler une réponse construite en trois temps à la question de recherche. Premièrement, une grille de l’écocitoyenneté a été construite avec le groupe de travail de manière à rendre ce concept opérationnalisable pour les animateur·rices nature. Deuxièmement, il est apparu lors de l’analyse des données un implicite chez les animateur·rices selon lequel « se connecter à la nature » serait le chemin privilégié pour développer l’écocitoyenneté. Mais que signifie cette expression, et aussi, comment s’y prend-on ? Troisièmement, quelques apports de la wild pedagogy et de l’écoformation permettent de préciser les éléments auxquels être attentifs pour participer au développement de l’écocitoyenneté.
L’ensemble de ce cheminement de recherche permet de formuler des réponses précises à la question de départ. Une série de conditions, de pistes et de questionnements sont identifiés au fil des pages et sont utiles pour porter un regard neuf sur ses pratiques éducatives en nature du point de vue des animateur·rices. De manière transversale, deux grands champs de réflexions et d’actions sont à mener conjointement par les animateur·rices pour développer l’écocitoyenneté : travailler le sensible et l’affectif et éco-politiser les discours et les pratiques. Parmi les nombreuses pistes dessinées dans ce rapport, à chacun·e de s’inspirer en fonction de ses objectifs et sensibilités pour porter un regard réflexif et critique sur ses pratiques.
Cette recherche a été menée en parallèle à la recherche française GRANDIR AVEC LA NATURE – ECRIN (Etudes Critiques et Recherche sur les Interactions Formatrices avec la Nature).
Table des matières
1 Introduction
1.1 Question de recherche et méthodologie
1.2 Une recherche-action participative à visée critique et émancipatrice
1.3 Une dimension internationale
1.4 COVID-19 et recherche
1.5 Structure du rapport
2 L’écocitoyenneté comme finalité – quels objectifs pour une éducation par la nature ?
2.1 Plongée dans les définitions : écocitoyenneté et ErE
2.2 L’écocitoyenneté : enraciner le politique dans le terrestre mais aussi politiser l’écologique
2.3 Se réapproprier l’écocitoyenneté
2.3.1 Dimension 1 : Relier et enraciner – Lien et soin à l’environnement
2.3.2 Dimension 2 : Relier et démocratiser – Lien et soin à l’autre et au collectif
2.3.3 Dimension 3 : Politiser et écologiser – Analyse complexe et critique
2.3.4 Dimension 4 : Réenchanter – Curiosité, créativité et imaginaire
2.3.5 Dimension 5 : Encapaciter – Action, participation et empowerment
2.4 Pour une vision globale des cinq dimensions de l’écocitoyenneté
2.5 Des dimensions aux objectifs : politiser l’écocitoyenneté
3 Se relier à la nature : dimension centrale de l’éducation par la nature et indispensable de l’écocitoyenneté
3.1 Se connecter à la nature : une question de proximité
3.1.1 Par l’expérimentation corporelle : toucher, sentir, goûter la nature
3.1.2 Par l’expérience positive : se sentir bien dans la nature
3.1.3 Par le lien affectif : aimer la nature
3.2 Se connecter à la nature : une histoire de récits
3.2.1 La nature décor
3.2.2 La nature propriété
3.2.3 La nature comme ressource de plaisir
3.2.4 L’éducation par la nature plus confortable avec le réenchantement que la politisation ?
4 Accompagner la création d’un lien à l’environnement : pour une pédagogie de l’écocitoyenneté ?
4.1 La nature co-formatrice
4.2 La pédagogie par alternance
5 Conclusions et perspectives
5.1 Vers une éco-émancipation ?
5.1.1 Travailler le sensible et l’affectif
5.1.2 Eco-politiser les discours et les pratiques